Bien qu’encore inconnu de beaucoup aujourd’hui, Enzo Minuti (1927-2000), alias Ezy Minus, a laissé sa marque unique sur le monde kaléidoscopique de la musique de bibliothèque italienne. Une des figures les plus polyvalentes, habiles et authentiques de la scène musicale bolognaise du milieu à la fin du XXe siècle, Minuti était multi-instrumentiste, compositeur, producteur de musique et directeur de studio d’enregistrement, ainsi que peintre, graveur et graphiste. Il a consacré sa vie à la musique (en particulier le jazz, un genre qui a bénéficié d’une longue tradition dans la ville de Bologne), à tel point que même son art visuel a été inspiré par la musique.Après de nombreuses tournées en Europe et en Turquie en tant que musicien de jazz, Minuti a ouvert à la fin des années 60 l’un des premiers studios d’enregistrement (sinon le premier) à Bologne, Studio 67. C’est là que, tout au long des années 70 et 80, il a composé et enregistré sa propre musique de bibliothèque sous les noms Ezy Minus, Maripal et Cronomas. Le fait qu’il était basé à Bologne est en soi digne de mention pour, à l’époque, la musique de bibliothèque italienne a été produite presque exclusivement à Rome et à Milan (La majeure partie de sa production dans ce genre a en effet été produite par Kronal, un sous-label de Minstrel de Fabio ‘Fabor’ Borgazzi basé à Rome, et par Music Scene, un label commun de Minstrel et de Jump Edizioni Musicali de Milan).Cette collection réunit la musique composée par Minuti entre les années 70 et le début des années 80. Dans ce laps de temps, ses premières compositions de bibliothèque peuvent être décrites comme des pièces pop-jazz joyeuses qui s’orientent vers l’Easy Listenning – avec des harmonies vocales, des vocalisations jazzy et des éléments rythmiques de bossa nova, samba et swing – ou un style plus psychédélique, avec l’utilisation du chromatisme et une sensation de Rock expérimentale ici et là.Plus tard, il expérimente aussi des genres tels que le reggae et utilise de plus en plus des instruments électroniques (synthés, boîtes à rythme,Loop stations, etc.). Cependant, son approche ludique et légère de la composition est restée inchangée, ou a même été améliorée.Sur une note technique, il est à noter que, à la différence de maestros plus connus comme Piero Umiliani et Giuliano Sorgini, Minuti a souvent utilisé la technique du overdubbing et joué la plupart des instruments sur ses pistes (flûte, saxophone, orgue, piano, percussions), parfois même en chantant certaines voix.Ce qui est peut-être le plus frappant au sujet de la musique de bibliothèque de Minuti est sa grande puissance imaginative, la facilité et le naturel avec lequel il évoque des images et des scénarios dans l’esprit de l’auditeur. Cette « qualité visuelle » a beaucoup à voir avec son activité d’artiste figuratif et abstrait.Ayant hérité d’une passion pour l’art de son grand-père et de son père (respectivement peintre professionnel et amateur), il apprend à dessiner, peindre, graver et exposer ses œuvres en Italie et à l’étranger. Plus important encore, il a également dessiné les pochettes de plusieurs de ses albums. Presque surréalistes de style, ces couvertures sont une sorte de paysage de rêve avec des objets symboliques, des formes et des figures. Ils vont de pair avec sa musique évocatrice, onirique, qui nous offre une représentation immédiate et synthétique d’une émotion, d’une situation ou d’un paysage, et enflamme notre imagination avec des visions à la fois si simples et claires qu’elles restent gravées dans notre mémoire.La musique et l’art étaient inextricablement liés dans la vie de Minuti. Quoi qu’il ait vu, entendu ou imposé ses mains, il a dû le transformer en chanson ou en art. Le titre de cette collection est une référence à cela, et aussi une façon de rendre hommage à la personnalité multiple d’un maestro méconnu.