Après la remarquable discographie de Harry Roesli, le label indonésien La Munai a déniché un nouveau joyau oublié de pop vintage de son coin de pays pour le faire découvrir au monde, et le monde lui en sera reconnaissant. Paru en 1971 sous étiquette Polydor Singapour, il s’agit du dernier album éponyme de Yanti Bersaudara, le trio vocal sundanais des sœurs Yani, Tina et Parlina Hardjakusumah.La formation qui les accompagne vaut à elle seule le prix d’achat, avec son orgue riche et scintillant, ses jolies guitares avec juste ce qu’il faut de réverbération chatoyante et, ici et là, un vibraphone aérien. Mais les vedettes sont bien entendu les trois sœurs, dont les voix sont absolument charmantes, individuellement, et tout aussi délicieuses en trio, comme sur l’exquise Tekad Pahlawan.Les mélodies sont basées sur l’échelle heptatonique appelée pelog, gamme que les amateurs de gamelan connaissent bien, et vont de l’enjouée Badminton à l’émouvante Bandung (un hommage bien senti à leur ville natale, la capitale provinciale du Java Occidental), en passant par les sublimes Lembur Kuring et Bulan Dagoan. Mais si l’auteur de ces lignes devait choisir une chanson parmi les onze présentées ici, ce serait la légère et ravissante Leungiteun, avec sa touche de rocksteady jamaïcain.Certaines rééditions de disques obscurs qui remontent à plusieurs décennies constituent des documents d’archives intéressants et souvent divertissants, sortes d’instantanés déformés de la période qui les a vu naître. D’autres, cependant, comme celle-ci, sont d’une merveilleuse intemporalité, et La Munai honore cette musique et récompense les mélomanes du monde entier en la maintenant bien vivante.Article écrit par Rupert Bottenberg